Est-ce que les chatbots et l’intelligence artificielle vont tuer les formateurs ?

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Est-ce que les chatbots et l’intelligence artificielle vont tuer les formateurs ?

Yann Lescurat

Après les réseau soci­aux, les médias ou encore les ser­vices de sup­port, l’émergence des chat­bots, ou robots con­ver­sa­tion­nels, atteint le secteur de la for­ma­tion. Face à cette intel­li­gence arti­fi­cielle, quelle sera la place du for­ma­teur ? Résis­tera-t-il aux investisse­ments mas­sifs faits par les grands acteurs du numérique. Quelle place aura le chat­bot dans la rela­tion formateur/apprenant ?

Le formateur de demain ?

Remon­tons le temps, en 1960. À cette époque naît le pre­mier pro­gramme de con­ver­sa­tion homme/machine piloté par l’intelligence arti­fi­cielle avec la célèbre ELIZA. Après un long silence radio, ils se généralisent dans les années 90 et con­nais­sent un véri­ta­ble suc­cès en 2010 grâce à Apple et son fameux Siri.

Aujourd’hui, tous les GAFAM (Google, Apple, Face­book, Ama­zon et Microsof) dis­posent de leur pro­pre chat­bot : Allo pour Google, Siri pour Apple, Mes­sen­ger pour Face­book, Alex­ia pour Ama­zon et enfin Cor­tana pour Microsoft. Pra­tique­ment toutes les per­son­nes dotées d’un smart­phone se sont un jour amusées à deman­der à l’un de ces assis­tant con­ver­sa­tion­nels la météo du lende­main, l’endroit où se trou­ve le star­buck le plus proche ou encore d’appeler un contact.

Les répons­es sont plutôt effi­caces (il est à ce pro­pos con­seil­lé d’utiliser les chat­bots en anglais, dont la qual­ité des répons­es est bien supérieure à leur ver­sion française) et facili­tent le quo­ti­di­en. Con­cer­nant l’apprentissage, ils sont un pas de plus vers la per­son­nal­i­sa­tion de la for­ma­tion. En ayant accès à l’historique d’un apprenant, notam­ment via les cook­ies mais pourquoi pas en le liant à un LRS, il trans­forme l’individu en véri­ta­ble per­son­nal­ité apprenante. On le sait, chaque pro­fil d’apprenant est dif­férent et s’il est dif­fi­cile pour un enseignant de s’adapter à chaque per­son­nal­ité présente lors d’une for­ma­tion, ce n’est pas un prob­lème pour un chatbot.

Anticiper les besoins sociétaux

L’intelligence arti­fi­cielle cou­plée aux datas col­lec­tées sur un indi­vidu per­me­t­tent d’actualiser de façon instan­ta­née les pro­fils de chaque apprenant et de pro­pos­er une véri­ta­ble for­ma­tion en one to one. Les car­ac­téris­tiques de l’utilisateur (dif­fi­cultés, points forts, émo­tions, etc.) sont pris­es en compte et il est vrai­ment au cœur du proces­sus. Une promesse sou­vent lancée par les for­ma­teurs mais en pra­tique dif­fi­cile à tenir pour… un humain.

Le chat­bot pour­ra même inter­venir en amont de la for­ma­tion, au moment où l’utilisateur débute ses recherch­es quant à la for­ma­tion qu’il souhaite effectuer. Ce cher robot con­ver­sa­tion­nel trou­vera la meilleure for­ma­tion en fonc­tion des besoins du futur apprenant, lui per­me­t­tra d’économiser en trou­vant des MOOC gra­tu­its et pour­ra même pro­pos­er une for­ma­tion avant que nous en ayons besoin, sim­ple­ment en analysant les ten­dances socié­tales et les futurs besoins des entre­pris­es. Plus qu’un sim­ple for­ma­teur, le chat­bot devien­dra notre assis­tant de vie pro­fes­sion­nelle en nous trou­vant le chemin idéal pour con­tin­uer de progresser.

Des humains derrière les chatbots

Pour­tant, comme le rap­pelle Yann LeCun, directeur du lab­o­ra­toire d’intelligence arti­fi­cielle de Face­book et tit­u­laire de la chaire “Infor­ma­tique et Sci­ences numériques” au Col­lège de France, les chat­bots ne fonc­tion­nent pas si bien que ça. Des pro­pos que con­fir­mait d’ailleurs le site d’actualité Bloomberg dans un arti­cle sur une intel­li­gence arti­fi­cielle pas totale­ment arti­fi­cielle. En effet, der­rière chaque email envoyé se cache un humain.

Ain­si, si de nom­breuses star­tups se van­tent de la qual­ité de leurs algo­rithmes et de leurs ser­vices gérés par IA, la com­mu­ni­ca­tion autour de leur capac­ité est bien sou­vent exagérée. Il est impor­tant de rap­pel­er que les assis­tants virtuels ont encore du mal à répon­dre aux ques­tions ouvertes. Pour l’instant, der­rière les robots con­ver­sa­tion­nels se cachent des agents humains qui répon­dent à la plu­part des ques­tions. L’objectif est bien enten­du d’entraîner ces nou­veaux sys­tèmes d’apprentissage et de mieux iden­ti­fi­er les répons­es à apporter demain. On en est encore au stade du recueil de don­nées et non de l’automatisation totale.

Avant de voir un chat­bot dis­tiller une for­ma­tion de façon autonome, il va fal­loir que les sys­tèmes d’apprentissage automa­tisés devi­en­nent plus indépen­dants et qu’ils sachent autant répon­dre aux ques­tions les plus courantes qu’aux plus incon­grues. Une entre­prise comme GoB­ut­ler aurait ain­si instau­ré les ⅜ auprès de ses employés afin que ceux-ci se relaient pour répon­dre aux ques­tions les plus “orig­i­nales” des util­isa­teurs. De plus, les développeurs d’assistants virtuels tra­vail­lent étroite­ment avec des ingénieurs mais aus­si avec des écrivains qui con­tribuent à forg­er la per­son­nal­ité des IA et leur style de réponse. Le tout afin de ren­dre ces robots plus… humains.
Enfin, un dernier prob­lème se pose : celui du mod­èle économique. Il faut faire en sorte que la for­ma­tion à base de chat­bots soit rentable mais aus­si rentabilis­er les besoins humains.

Si la promesse de for­ma­tions don­nées par les chat­bots est belle, elle n’est pas encore totale­ment réelle. Cepen­dant, la prin­ci­pale ques­tion n’est pas de savoir quand tout ceci sera opéra­tionnel, mais plutôt si nous sommes prêts à laiss­er aux GAFAM et à leurs algo­rithmes un si grand pou­voir. Les ques­tions liées à la for­ma­tion rejoignent celles que tout le monde se pose sur les algo­rithmes qui fil­trent de plus en plus notre accès à l’in­for­ma­tion, dans les journeaux, sur face­book, … Il est sûre­ment temps de cul­tiv­er notre esprit cri­tique et notre libre arbi­tre pour ne pas sac­ri­fi­er la sérendip­ité sur l’au­tel du progrés !