Formation digitale

8 minutes

Réussir la classe virtuelle : le témoignage de D. Oheix (partie 1)

Solunea

Le retour en force de la classe virtuelle

Cette péri­ode de con­fine­ment a vu revenir au goût du jour une modal­ité péd­a­gogique que l’on croy­ait entrée dans les mœurs, sans se ren­dre compte qu’elle était par­fois un peu délais­sée. J’ai nom­mé la classe virtuelle.

Il n’y a qu’à en juger par l’intérêt de la recherche « vir­tu­al class­room » dans Google sur les 12 derniers mois :

Dans cette série d’articles, je vous pro­pose de partager l’expérience d’un expert en classe virtuelle, Dominique Oheix, qui a accep­té de répon­dre à nos ques­tions. L’entretien étant un peu long, nous avons choisi de le découper en 3 par­ties pour en faciliter la lecture.

  • Dans cette pre­mière par­tie, nous allons revenir sur la déf­i­ni­tion de la classe virtuelle.
  • Dans une sec­onde par­tie nous nous intéresserons à l’intégration de la classe virtuelle dans un par­cours et à des exem­ples de réussite.
  • Enfin dans une troisième par­tie, Dominique nous par­lera de la for­ma­tion du for­ma­teur de classe virtuelle et des choses à faire et à ne pas faire.

Alors vous êtes prêts ? C’est par­ti pour cette pre­mière par­tie de l’interview.

 

[Yann] Bon­jour Dominique, je te remer­cie d’être là pour dis­cuter avec nous aujourd’hui. Est-ce que d’abord tu peux te présen­ter en quelques mots et expli­quer ton rôle ?

[Dominique] Oui, bon­jour Yann, je suis Dominique Oheix, je suis ingénieur péd­a­gogique spé­cial­isé dans les activ­ités dis­tan­cielles, la for­ma­tion notam­ment et j’accompagne les grands entre­pris­es et l’université à met­tre en place de la for­ma­tion et de l’enseignement à distance.

[Yann] Du coup, l’enseignement à dis­tance et la classe virtuelle, qu’est-ce que c’est pour toi dans le cadre de tes activités ?

[Dominique] [su_pullquote]La classe virtuelle c’est d’abord une modal­ité d’échange[/su_pullquote]Alors la classe virtuelle, elle est util­isée d’abord comme une modal­ité d’apprentissage et d’enseignement à l’université, pour de la for­ma­tion con­tin­ue et puis c’est aus­si pour les grandes entre­pris­es un moyen qui per­met de col­la­bor­er à dis­tance, que ce soit pour du man­age­ment ou de la réu­nion. L’idée et la dif­férence par rap­port à une visio­con­férence, c’est que la classe virtuelle c’est surtout une modal­ité qui per­met l’échange entre dif­férents apprenants et surtout l’échange sur un tra­vail col­lab­o­ratif qui est prévu et scé­nar­isé. C’est-à-dire qu’en visio[conférence] on va plutôt être sur l’échange d’une manière clas­sique, comme une réu­nion clas­sique que l’on peut avoir en présen­tiel, alors qu’en classe virtuelle on va plutôt met­tre du con­tenu. Ça cor­re­spond au développe­ment du tra­vail indi­vidu­el et col­lab­o­ratif, ce qui per­met notam­ment d’avoir des résul­tats directs, qui peu­vent être péd­a­gogiques, mais qui peu­vent être égale­ment des travaux qui néces­si­tent un échange immédiat.

[Yann] Donc, con­cer­nant la classe virtuelle, j’entends qu’il y a une grande impor­tance de la par­tie « con­tenu pédagogique »

[Dominique] Oui, c’est-à-dire que la dif­férence c’est l’interaction et la scé­nar­i­sa­tion. Ce sont les mots clés. Avec l’attente d’un résul­tat, écrit, c’est-à-dire que l’on est vrai­ment sur quelque chose de con­cret. En visio[conférence] on est plutôt sur un échange qui per­met le débat, bien enten­du, mais on n’a moins la pos­si­bil­ité de trans­former ce débat de manière écrite et con­crète alors qu’en classe virtuelle on part vrai­ment sur de l’activité con­crète et réelle, qui se traduit immé­di­ate­ment par un résultat.

[Yann] D’accord. Et alors du coup qu’est-ce que c’est selon toi une classe virtuelle réussie ?

[Dominique] [su_pullquote align=“right”]Dans une classe virtuelle réussie d’une heure et demie, les par­tic­i­pants ont l’im­pres­sion que tout s’est déroulé en vingt min­utes[/su_pullquote]Alors pour moi une classe virtuelle réussie, c’est plusieurs choses. D’abord l’environnement doit être réus­si. C’est-à-dire que chaque apprenant doit être dans de bonnes con­di­tions pour faire de la classe virtuelle, avec une bonne qual­ité de son, for­cé­ment une bande pas­sante qui per­me­tte de pou­voir se par­ler à dis­tance. Ça c’est impor­tant. Et surtout, si c’est réus­si c’est que c’est très court pour les apprenants ou les salariés qui sont en classe virtuelle. C’est-à-dire que lorsqu’ils ont passé une heure et demie en classe virtuelle, il faut qu’ils aient eu l’impression d’avoir passé dix min­utes ou un quart d’heure. Et si on arrive à ça, c’est parce que l’on a don­né de l’interaction. C’est à dire que toutes les deux min­utes trente ou trois min­utes on est acteur de la classe virtuelle. On agit sur des travaux à dis­tance qui sont prévus. Soit en petits groupe, soit en assem­blée plénière, mais dans tous les cas ce qui est impor­tant c’est que les apprenants soient acteurs de leur activ­ité à distance.

[Yann] Faire de la classe virtuelle, comme faire de la classe tout court, c’est beau­coup de tra­vail de préparation…

[Dominique] Oui, en fait, le tra­vail de pré­pa­ra­tion, on peut le citer sur plusieurs chantiers. Il y a un chantier tech­nique qui per­met de cadr­er l’environnement de chaque apprenant et de la per­son­ne qui va ani­mer l’événement. Il faut s’assurer que l’environnement tech­nique soir prêt pour faire de l’activité à dis­tance. On a bien enten­du les aspects de l’organisation et de la com­mu­ni­ca­tion de l’événement. On est sur un événe­ment, ça fait par­tie de l’événementiel : si on a un ren­dez-vous demain matin à 10h, et bien c’est 10h, ce n’est pas 11h. C’est de l’événementiel, ça s’organise et on doit com­mu­ni­quer dessus et on doit faire du teas­ing. Et le plus impor­tant, c’est que l’on scé­narise tout le con­tenu péd­a­gogique en amont de la classe virtuelle. Et c’est pour ça que le choix de l’outil est impor­tant à ce niveau-là.

[Yann] Est-ce que c’est facile d’animer une classe virtuelle quand on n’en a jamais fait ?

[Dominique] [su_pullquote]Pour réus­sir il est pri­mor­dial de scé­naris­er ses con­tenus[/su_pullquote]Alors la pos­ture d’animateur ou de for­ma­teur en classe virtuelle n’est pas aisée et demande effec­tive­ment un peu d’expérience ou bien enten­du un peu de for­ma­tion. Au-delà des aspects tech­niques des envi­ron­nements, des out­ils, que vous pou­vez ren­con­tr­er, ce qui est impor­tant surtout c’est de pré­par­er et scé­naris­er son con­tenu. Et la dif­fi­culté que l’ensemble des for­ma­teurs ou des enseignants que je peux ren­con­tr­er, ou même des respon­s­ables d’entreprises qui veu­lent faire de la classe virtuelle est qu’ils ont ten­dance à pren­dre la classe virtuelle comme un out­il, comme leur télé­phone. Et ça ce n’est pas pos­si­ble. La classe virtuelle ça se pré­pare en amont, ça se scé­narise et la grande dif­fi­culté est plutôt sur cet aspect-là. Si on n’a pas appris à scé­naris­er, on risque d’être en dif­fi­culté pour ani­mer puisqu’on a ten­dance soit à aller trop vite, soit à oubli­er des mis­es en pra­tiques, soit à utilis­er des con­tenus qui ne sont pas assez scé­nar­isés. Ce sont des con­tenus qui vont être un peu « lents » je dirais, à l’écoute, et qui vont per­dre très vite les salariés ou les apprenants.

[Yann] Donc pour bien débuter, il y a vrai­ment un tra­vail de scé­nar­i­sa­tion de son par­cours pédagogique.

[Dominique] [su_pullquote align=“right”]Une classe virtuelle c’est 75% de tra­vail de pré­pa­ra­tion, 25% pour l’an­i­ma­tion et le bilan[/su_pullquote]Oui, tout ce tra­vail, le tra­vail sur les envi­ron­nements numériques, la prise en compte de l’environnement numérique de cha­cun et sa sécuri­sa­tion (qu’il soit dans de bonnes con­di­tions, plus la notion d’organisation et de com­mu­ni­ca­tion, plus la notion de scé­nar­i­sa­tion des con­tenus, c’est à peu près 75% du tra­vail. C’est sim­ple, ça fait 15 ans que je pra­tique cette activ­ité, le tra­vail de pré­pa­ra­tion en amont c’est 75%. Il reste le jour J et le bilan d’activité qui représen­tent les 25% restants. Plus on est à l’aise, plus on est déten­du, et plus c’est facile pour faire de la classe virtuelle.

crédits photo: pexels.com