Formation digitale

11 minutes

Réussir la classe virtuelle : le témoignage de D. Oheix (partie 2)

Solunea

Le retour en force de la classe virtuelle

Cette péri­ode de con­fine­ment a vu revenir au goût du jour une modal­ité péd­a­gogique que l’on croy­ait entrée dans les mœurs, sans se ren­dre compte qu’elle était par­fois un peu délais­sée. J’ai nom­mé la classe virtuelle.

Il n’y a qu’à en juger par l’intérêt de la recherche « vir­tu­al class­room » dans Google sur les 12 derniers mois :

Dans cette série d’articles, je vous pro­pose de partager l’expérience d’un expert en classe virtuelle, Dominique Oheix, qui a accep­té de répon­dre à nos ques­tions. L’entretien étant un peu long, nous avons choisi de le découper en 3 par­ties pour en faciliter la lecture.

  • Dans une pre­mière par­tie, nous sommes revenus sur la déf­i­ni­tion de la classe virtuelle.
  • Dans cette sec­onde par­tie nous nous intéresserons à l’intégration de la classe virtuelle dans un par­cours et à des exem­ples de réussite.
  • Enfin dans une troisième par­tie, Dominique nous par­lera de la for­ma­tion du for­ma­teur de classe virtuelle et des choses à faire et à ne pas faire.

Alors vous êtes prêts ? C’est par­ti pour cette sec­onde par­tie de l’interview.

 

[Yann] Et du coup, quel est le lien entre la classe virtuelle et les autres modal­ités péd­a­gogiques ? Le blend­ed : com­ment ça se passe ?

[su_pullquote]La classe virtuelle se situe entre le présen­tiel et le elearn­ing pur en aut­o­for­ma­tion.[/su_pullquote][Dominique] Alors ça c’est intéres­sant, car effec­tive­ment la classe virtuelle est une modal­ité qui est dif­férente du présen­tiel et du elearn­ing. Mais par con­tre, penser que l’on ne peut faire que de la classe virtuelle, ça serait utilis­er qu’une seule modal­ité alors que ce qui est intéres­sant c’est de pou­voir jouer sur les 3 grandes modal­ités qui sont le présen­tiel, ce que l’on appelle l’asynchrone : le elearn­ing, et le syn­chrone : la classe virtuelle. La classe virtuelle, elle est intéres­sante parce qu’elle se situe entre le présen­tiel et le elearn­ing. Et cela d’une manière très intéres­sante. Pourquoi ? Parce qu’elle fait la liai­son sou­vent entre les deux. Ce qu’il faut com­pren­dre c’est que par expéri­ence, en ter­mes de péd­a­gogie, on utilise la classe virtuelle pour dévelop­per des pro­pos autour de la méthodolo­gie de tra­vail : le savoir-faire. On utilise le elearn­ing plutôt pour le savoir, tout ce qui per­met d’organiser le savoir sur un sujet pré­cis, on peut le dépos­er sur une plate­forme elearn­ing qui est disponible 24h/24, ce qui est intéres­sant. Bien enten­du, la classe virtuelle per­met de pou­voir met­tre en place des actions autour de la méthodolo­gie. Et puis on va arriv­er ensuite sur du présen­tiel qui sera plutôt accès sur de la pra­tique pro­fes­sion­nelle. En fait ce qui est intéres­sant c’est qu’on pré­pare tous ses salariés, tous ses apprenants, avec les out­ils numériques pour que quand ils arrivent en présen­tiel on soit sur quelque chose de très pra­tique. Et grâce à ça on gagne du temps pour que lorsque l’on se trou­ve en présen­tiel on est sûrs de la qual­ité. Aujourd’hui, dans une sit­u­a­tion où l’on est un peu con­finé, c’est intéres­sant de le voir. Peut-être que l’on sera con­finés assez longtemps, que cela revien­dra, et donc on s’aperçoit que le présen­tiel est quelque chose de très qual­i­tatif : c’est du luxe le présen­tiel aujourd’hui. Et donc si l’on veut que ça reste à ce niveau de qual­ité et qu’à chaque fois que l’on se voit on soit sur un haut niveau de qual­ité alors util­isons les out­ils numériques qui per­me­t­tent de faire du dégrossis pour arriv­er à de la pra­tique pro­fes­sion­nelle lorsque l’on est en présentiel.

[Yann] Et est-ce que tu as dans ton vécu des exem­ples d’intégration de la classe virtuelle dans un par­cours qui te sem­ble par­ti­c­ulière­ment réus­si et dont tu pour­rais nous par­ler là ? Est-ce qu’il y a des exem­ples qui te viennent ?

[su_pullquote align=“right”]La classe virtuelle doit être un moment d’échange entre pairs.[/su_pullquote][Dominique] Oui, il y a plein d’exemples, je tra­vaille avec dif­férentes activ­ités. Par exem­ple : je vais vous par­ler d’une entre­prise avec qui je tra­vaille depuis quelques temps qui for­mait unique­ment ses salariés et ses col­lab­o­ra­teurs unique­ment sur le mode du présen­tiel. C’est une entre­prise inter­na­tionale donc ça posait beau­coup de prob­lèmes parce que ça demandait à organ­is­er beau­coup de stages de for­ma­tion sur des durées assez longues et for­cé­ment ces gens venaient du monde entier pour venir pass­er une semaine chez eux pour tra­vailler sur des nou­velles pra­tiques, notam­ment pro­fes­sion­nelles. Ils sont spé­cial­isés sur le tra­vail en hau­teur, tout ce qui per­met de tra­vailler en hau­teur de manière aisée. Cette pra­tique est indis­pens­able pour eux. Se for­mer et sen­tir la pra­tique, voir les choses se met­tre en place était super impor­tant. Quand chaque entre­prise repar­tait de cette for­ma­tion présen­tielle, elle fai­sait face à la dif­fi­culté suiv­ante les jours qui suiv­aient la for­ma­tion : l’absence de suivi avec ceux qui avaient été for­més pen­dant cette semaine. L’in­térêt de la classe virtuelle : ça a per­mis juste­ment de rap­procher ces reven­deurs, ces salariés, de la mai­son mère et de faire suite à des for­ma­tions présen­tielles. Ça per­met de rap­procher les entre­pris­es entre elles pour le suivi et le suivi de leurs pro­duits au plus près de leurs reven­deurs. Un autre exem­ple aus­si que j’ai pu côtoy­er était pour des tech­ni­ciens, il n’y a pas si longtemps que ça, qui avaient besoin de se retrou­ver ensem­ble pour par­ler entre eux des modal­ités de ce qu’ils vivaient tous les jours. Quand ils étaient en classe virtuelle, ça leur a per­mis d’échang­er sur les méth­odes de tra­vail des uns et des autres et cela a per­mis d’en­richir leurs méth­odes de tra­vail et de s’amélior­er grâce juste­ment à cette modal­ité. La classe virtuelle toute seule effec­tive­ment n’apporte pas beau­coup de sens mais par con­tre inté­grée dans un par­cours, elle per­met de favoris­er les échanges, l’in­ter­ac­tion puis d’améliorer les pra­tiques pro­fes­sion­nelles. Quand on retrou­vait ensuite en présen­tiel ces tech­ni­ciens, ils étaient plutôt sur un mode « pra­tique », donc démon­tage, remon­tage, parce qu’auparavant ils avaient tra­vail­lé la méth­ode en classe virtuelle. Ils avaient trou­vé des solu­tions et dis­cuté entre eux sur ces méthodes.

[Yann] J’ai sou­vent eu comme écho des clients que la classe virtuelle per­me­t­tait d’ancrer le présen­tiel dans la durée et de faire de ce présen­tiel une action qui soit moins ponctuelle. Ça rejoint les exem­ples que tu nous a indiqués.

[su_pullquote]Le présen­tiel est un luxe éphémère ; la classe virtuelle l’in­scrit dans la durée à moin­dre frais.[/su_pullquote][Dominique] Oui c’est ça, ça per­met de don­ner de la durée au présen­tiel. Le présen­tiel c’est éphémère. C’est coû­teux aujour­d’hui. C’est dif­fi­cile à organ­is­er et puis c’est vrai que c’est trop ponctuel. En classe virtuelle ça per­met de con­tin­uer ce tra­vail-là et de le peaufin­er. Mais si on va plus loin et si on réflé­chit bien, on va utilis­er dif­férentes modal­ités d’ap­pren­tis­sage. On ne peut pas faire ce qui est fait en présen­tiel en classe virtuelle parce qu’on n’est pas en pra­tique. Un tech­ni­cien ne va pas démon­ter en classe virtuelle les pro­duits, par con­tre ce qui l’in­téresse, c’est de dis­cuter avec un autre tech­ni­cien sur la façon de faire, com­ment lui s’y prend, com­ment il gagne du temps sur son activ­ité. Cha­cun a son expéri­ence et ça c’est vrai­ment intéres­sant. C’est l’in­ter­ac­tion qui per­met de le faire. La classe virtuelle est vrai­ment faite pour ça. Autre exem­ple égale­ment : la for­ma­tion en sit­u­a­tion de tra­vail. Ce que l’on appelle le FEST. C’est quoi ? c’est une activ­ité essen­tielle aujour­d’hui dans les grandes entre­pris­es, ça per­met de faire de la for­ma­tion sur le lieu de tra­vail directe­ment sur le poste du tra­vail du salarié. En présen­tiel, sou­vent, on se déplace de son poste de tra­vail pour se retrou­ver en salle de for­ma­tion. Grâce à la classe virtuelle ce n’est pas le salarié qui va à la for­ma­tion mais c’est la for­ma­tion qui va au salarié jusqu’à son poste de tra­vail. On va pou­voir inter­venir sur le poste de tra­vail du salarié directe­ment et donc ça veut dire qu’en direct on va pou­voir met­tre en sit­u­a­tion le salarié sur une prob­lé­ma­tique et lui trou­ver la solu­tion qua­si­ment immé­di­ate­ment. C’est très intéres­sant parce que ça fait gag­n­er un temps assez pré­cieux aux entreprises.

[Yann] Là c’est des inter­ven­tions « juste à temps »

[Dominique] Oui

[Yann] Super. J’ai l’im­pres­sion dans tout ce que tu dis de la classe virtuelle, le fait que ce soit syn­chrone, ça per­met aus­si de capter en live les retours, ou du feed­back apprenant, sur le moment. Des choses qu’on ne capterait pas avec du dis­tan­ciel asyn­chrone comme du elearn­ing pur.

[Dominique] Ah oui bien sûr.

[Yann] Qu’est-ce qu’il en est ? est-ce que toi tu as des retours, des feed­backs sur la modal­ité elle-même ? que tu peux avoir pen­dant les sessions ?

[su_pullquote align=“right”]On n’est pas obligé de réu­nir tout le monde pour dif­fuser un mes­sage sans inter­ac­tion ; la classe virtuelle doit être un moment d’échange.[/su_pullquote][Dominique] Bien sûr, à par­tir du moment où il y a de l’interaction, où l’on donne la parole aux gens, on les laisse tra­vailler en petits groupes entre eux, ce qui est intéres­sant c’est que tout de suite for­cé­ment l’échange se fait. Et ça ce n’est pas pos­si­ble en asyn­chrone, tout seul devant son ordi­na­teur. On a beau avoir un petit forum ce n’est pas la même chose. Là on va pou­voir non seule­ment échang­er sur une prob­lé­ma­tique, ouverte­ment tel qu’on le fait actuelle­ment, mais aus­si pou­voir écrire sur une prob­lé­ma­tique et se met­tre d’ac­cord sur ce qu’on va écrire ce qu’on ne va pas écrire. Donc ça veut dire qu’on partage vrai­ment une activ­ité ensem­ble. Ça va beau­coup plus loin que l’asynchrone où l’on est devant son ordi­na­teur. On peut avoir des mod­ules effec­tive­ment ani­més, mais on reste seul devant ce mod­ule. Donc c’est la machine qui fait l’in­ter­ac­tion avec vous, alors que là c’est vrai­ment un ensem­ble d’humains avec lequel ces gens-là vont pou­voir inter­a­gir entre eux. Si on organ­ise bien la classe virtuelle ça per­met à cha­cun de pou­voir s’ex­primer et de trou­ver sa place dans la for­ma­tion ou dans l’en­seigne­ment et surtout dans l’ap­pren­tis­sage. C’est bien autre modal­ité d’ap­pren­tis­sage, c’est bien là qu’on voit la dif­férence : c’est une vraie modal­ité à part entière. Tous ceux qui utilisent la classe virtuelle pour par­ler pen­dant 1h30 sans inter­ac­tion font une grave erreur. Ils font une grave erreur parce qu’ils utilisent un mode asyn­chrone tout en deman­dant que l’on soit en direct avec eux. Alors c’est bien pour un cours magis­tral, quand on a une grande qual­ité d’élo­cu­tion. Ça peut être intéres­sant mais je pense que c’est une erreur parce que on pour­rait très bien s’en­reg­istr­er et en faire une petite vidéo. Cette petite vidéo après peut être don­née à cha­cun et ça devient un mode asyn­chrone : on la regarde au moment voulu et on n’est pas obligé de réu­nir les gens tous en même temps pour cet événe­ment-là. On se réu­nit en class­es virtuelles quand on pense « inter­ac­tion ». « Inter­ac­tion », ça veut dire tra­vailler avec les autres, échang­er avec les autres, appren­dre avec les autres, appren­dre avec les pairs. La classe virtuelle ça per­met de le faire.

 

crédits photo: pexels.com