Réussir la classe virtuelle : le témoignage de D. Oheix (partie 3)

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Réussir la classe virtuelle : le témoignage de D. Oheix (partie 3)

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Le retour en force de la classe virtuelle

Cette péri­ode de con­fine­ment a vu revenir au goût du jour une modal­ité péd­a­gogique que l’on croy­ait entrée dans les mœurs, sans se ren­dre compte qu’elle était par­fois un peu délais­sée. J’ai nom­mé la classe virtuelle.

Il n’y a qu’à en juger par l’intérêt de la recherche « vir­tu­al class­room » dans Google sur les 12 derniers mois :

Dans cette série d’articles, je vous pro­pose de partager l’expérience d’un expert en classe virtuelle, Dominique Oheix, qui a accep­té de répon­dre à nos ques­tions. L’entretien étant un peu long, nous avons choisi de le découper en 3 par­ties pour en faciliter la lecture.

  • Dans une pre­mière par­tie, nous sommes revenus sur la déf­i­ni­tion de la classe virtuelle.
  • Dans une sec­onde par­tie nous nous sommes intéressés à l’intégration de la classe virtuelle dans un par­cours et à des exem­ples de réussite.
  • Enfin dans cette troisième par­tie, Dominique nous par­le de la for­ma­tion du for­ma­teur de classe virtuelle et des choses à faire et à ne pas faire.

Alors vous êtes prêts ? C’est par­ti pour cette dernière par­tie de l’interview.

 

[Yann] En ce moment j’ai beau­coup de deman­des de for­ma­teurs, qui sont du coup des experts de la for­ma­tion présen­tielle, et qui me dis­ent : « voilà j’aimerais faire de la classe virtuelle pour diver­si­fi­er les modal­ités péd­a­gogiques ». Quelles sont les grandes étapes de for­ma­tion que tu leur con­seillerais de suivre ?

[Dominique] Je pense que pour que cela fonc­tionne, pour qu’ils arrivent en quelque temps à acquérir cette nou­velle modal­ité d’ap­pren­tis­sage, ce qui est impor­tant c’est qu’il faut par­tir de leur pro­jet. Ils ont tous des clients ces for­ma­teurs. Ils ont tous des pro­jets de for­ma­tion. Il faut par­tir de leur pro­jet de for­ma­tion et imag­in­er ensem­ble ce qu’il est pos­si­ble de faire à dis­tance et ce qu’il n’est pas pos­si­ble de faire à dis­tance. Parce que c’est ça qu’ils ont du mal à imaginer.

En par­al­lèle de ça il faut leur mon­tr­er les out­ils pour qu’ils aient un petit peu d’ex­péri­ence sur la classe virtuelle. Il faut les laiss­er acquérir l’outil en même temps.

[su_pullquote]S’il n’y a pas de véri­ta­ble pro­jet péd­a­gogique, je décline, ça ne sert à rien, ça ne marche pas.[/su_pullquote]Quand il n’y a pas de pro­jet, je ne fais pas de for­ma­tion car ça ne marche pas après. Après ça demande une vraie for­ma­tion assez longue, par étape, avec des objec­tifs, et avec des temps présen­tiels et beau­coup de temps à dis­tance et en classe virtuelle. Alors il faut tra­vailler quoi ? cela dépend de qui on a à faire. Si on a à faire à un for­ma­teur vrai­ment indépen­dant ou une équipe de for­ma­teurs indépen­dants il faut qu’ils com­pren­nent tout l’u­nivers de la classe virtuelle : c’est à la fois les aspects tech­niques, donc l’en­vi­ron­nement numérique qu’ils veu­lent met­tre en place pour leurs apprenants ou pour leurs salariés, mais aus­si l’or­gan­i­sa­tion et la com­mu­ni­ca­tion que demande cette modal­ité.  Ensuite la notion péd­a­gogique et scé­nar­i­sa­tion puis enfin l’an­i­ma­tion et la pos­ture d’an­i­ma­teur. Quand je suis en classe virtuelle : com­ment j’anime ? quel rythme je donne avec les temps dif­férents qui doivent être faits ? un temps d’ac­cueil, un temps de démon­stra­tion et un temps de scé­nar­i­sa­tion. On a vrai­ment des temps très dif­férents dans tout cet espace-là.

Pour for­mer une équipe de for­ma­teurs, ça cor­re­spond entre 6 et 7 jours de for­ma­tion avec des temps présen­tiel et des temps dis­tan­ciels. Sou­vent après, je les accom­pa­gne sur le pro­jet : je ne les lâche pas tout seuls. Je pro­pose des ser­vices d’ac­com­pa­g­ne­ment tech­nique et péd­a­gogique jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’au­tonomie : et là ça fonc­tionne. Je pense que ça per­met de met­tre en con­fi­ance, de voir qu’ils ne sont pas tout seuls.

[su_pullquote align=“right”]J’ac­com­pa­gne les for­ma­teurs sur l’adap­ta­tion de leur péd­a­gogie, et organ­ise l’ac­com­pa­g­ne­ment tech­nique.[/su_pullquote]Actuellement, à l’u­ni­ver­sité de Mont­pel­li­er par exem­ple, je suis en train d’ac­com­pa­g­n­er les étu­di­ants et le corps enseignant pour apporter de la con­ti­nu­ité péd­a­gogique, puisqu’on est tous con­finés. On col­la­bore aus­si avec le ser­vice infor­ma­tique. Je suis en train de les for­mer à la modal­ité de la classe virtuelle. Pourquoi ? Parce qu’il faut une hot­line tech­nique. Il faut accom­pa­g­n­er les étu­di­ants et il faut accom­pa­g­n­er les enseignants dans la mise en place de leur envi­ron­nement tech­nique. En même temps j’ac­com­pa­gne péd­a­gogique­ment chaque enseignant par rap­port à son pro­jet péd­a­gogique. Alors là c’est un peu par­ti­c­uli­er parce qu’on ne se voit pas, on ne peut pas être en for­ma­tion ensem­ble. Donc on y va douce­ment, on y va très douce­ment, mais par con­tre je suis présent à toutes les class­es virtuelles pour les accom­pa­g­n­er de manière péd­a­gogique et leur tenir un peu la main. De la même manière mon col­lègue infor­mati­cien est présent sur les aspects techniques.

[Yann] OK. Dominique tu as par­lé à plusieurs repris­es de l’en­vi­ron­nement numérique ». Mais aujour­d’hui c’est quoi la dif­férence entre l’en­vi­ron­nement numérique et le présen­tiel dans ce que tu vis ?

[Dominique] C’est une super ques­tion parce que c’est vrai­ment impor­tant et je pense que c’est ce que plein de gens n’ont pas com­pris. En envi­ron­nement présen­tiel, on est prêt à met­tre beau­coup d’ar­gent et on met beau­coup d’ar­gent d’ailleurs : sur des salles de cours, sur des tableaux, des trans­ports, for­cé­ment des chais­es, des tables, des vidéo pro­jecteurs : on n’a pas du tout peur du bud­get qu’on peut met­tre dedans, qui est assez con­séquent. [su_pullquote]On est capa­ble de dépenser des cen­taines de mil­liers d’eu­ros dans l’outil de for­ma­tion, un abon­nement au ser­vice de classe virtuelle est beau­coup moins cher ![/su_pullquote]Je vois des TBI, enfin des choses très impor­tantes, on a de belles salles de réu­nions dans les entre­pris­es, on met beau­coup d’ar­gent dans les murs en fait, qui coû­tent pas mal d’ar­gent. Parce que pour les entretenir, il faut du chauffage, il faut entretenir tout ça… et puis dans le numérique on a du mal à voir à l’en­vi­ron­nement. Donc les gens ont donc du mal à com­pren­dre cet envi­ron­nement quand on leur demande d’investir dans un out­il et qu’on leur dit qu’il faut qu’ils se méfient des out­ils gra­tu­its (je vais y venir tout à l’heure). Il faut se pos­er et pren­dre le temps de se deman­der ensem­ble ce dont on a besoin. Quel envi­ron­nement numérique on veut pour demain ? Qu’est-ce qu’on choisit pour faire du télé­tra­vail ? Qu’est-ce que je mets en place pour faire du télé­tra­vail pour mes salariés ? Quel envi­ron­nement numérique je vais pro­pos­er à mes salariés ? Ça c’est un sujet super intéres­sant : là on va s’apercevoir que les out­ils à dis­tance ils sont don­nés, c’est pas cher du tout ! Ce n’est pas ça qui va vous coûter cher ! Ce qui va vous coûter cher, et c’est nor­mal, c’est inve­stir sur de la for­ma­tion, pour que vous salariés puis­sent aisé­ment acquérir l’autonomie. Ils pour­ront le faire à une con­di­tion : que vous, chef d’en­tre­prise, vous ayez décidé de quel envi­ron­nement vous allez leur met­tre à dis­po­si­tion. Et cette déci­sion doit se faire avec le salarié. Et aujourd’hui, et demain après le con­fine­ment, des dis­cus­sions comme celle-là on va en avoir. Et il faut que les chefs d’entreprise et les salariés, ensem­ble, dis­cu­tent sur quel envi­ron­nement numérique on veut pour dévelop­per ce télé­tra­vail. Et que ce soit du télé­tra­vail, de l’enseignement ou de la for­ma­tion, il faut penser cet envi­ron­nement numérique comme quelque chose de pas cher : il n’est pas cher ! Les out­ils les plus chers pour faire de la classe virtuelle, à dis­tance, ce n’est même pas 2000€ par an ! Com­bi­en de mil­liers d’euros on met dans des salles de réu­nion, des bâti­ments, qui ne ser­vent que quelques fois dans l’année !

[su_pullquote align=“right”]Comme on dit : si c’est gra­tu­it, c’est toi le pro­duit ![/su_pullquote]Ce qui est dan­gereux égale­ment, c’est de se jeter sur des out­ils gra­tu­its. Je m’explique : toutes les don­nées que vous con­fiez à ces out­ils gra­tu­its sont mal­heureuse­ment util­isées à des fins com­mer­ciales. Et ça il va fal­loir que les gens com­pren­nent pourquoi c’est gra­tu­it. En fait ce n’est pas gra­tu­it, vous les payez beau­coup plus cher. C’est vous le pro­duit et con­traire­ment à ce qu’on pense vous les payez beau­coup plus cher qu’un out­il payant et sécurisé. Vous avez des gens qui sont spé­cial­isés dans la classe virtuelle, et qui met­tent en place des out­ils qui ont un gros avan­tage, c’est qu’ils sont sécurisés. Et ça vous per­met de dévelop­per des activ­ités de très grande qual­ité. Il faut vrai­ment mon­tr­er la dif­férence entre les out­ils gra­tu­its et les out­ils professionnels.

[Yann] Pour finir, est-ce que tu pour­rais nous don­ner 2 ou 3 choses, très rapi­de­ment, à ne pas faire et 2 ou 3 choses à faire absol­u­ment pour faire la classe virtuelle ?

[su_pullquote]S’il n’y a pas d’in­ter­ac­tion, met­tez plutôt une vidéo en ligne, n’or­gan­isez pas une classe virtuelle ![/su_pullquote][Dominique] Alors ce qu’il ne faut pas faire pour faire de la classe virtuelle c’est d’avoir un dis­cours sans inter­ac­tion. Si vous organ­isez un événe­ment de type classe virtuelle et si ce n’est que pour par­ler et qu’on vous écoute, alors s’il vous plaît, achetez une belle caméra, enreg­istrez-vous, et après don­nez votre enreg­istrement à tous vos col­lab­o­ra­teurs. Vous allez faire gag­n­er du temps à tout le monde !

Une classe virtuelle sans inter­ac­tion ce n’est pas une classe virtuelle. Une classe virtuelle sans avoir pen­sé l’en­vi­ron­nement numérique des salariés ou des gens qui les ani­ment c’est pareil, vous allez dans le mur : vous allez avoir des prob­lèmes tech­niques et ces prob­lèmes tech­niques vont pren­dre le pas sur vos pro­pos et vous serez en échec. Il sera très dif­fi­cile après de revenir auprès de vos col­lègues pour réor­gan­is­er une classe virtuelle le lendemain.

En résumé il faut éviter les dis­cours sans inter­ac­tion et il faut surtout éviter la non-pré­pa­ra­tion de l’événe­ment, sur les aspects tech­niques et bien enten­du sur les aspects pédagogiques.

Une classe virtuelle qui est réussie, c’est tout l’in­verse. C’est une classe virtuelle qui est pré­parée, dont l’en­vi­ron­nement tech­nique est par­fait, testé et donc testé indi­vidu­elle­ment. Il faut tester l’en­vi­ron­nement de chaque per­son­ne à dis­tance, c’est très impor­tant. Et puis « pré­parée » dans le sens où le con­tenu péd­a­gogique est scé­nar­isé. Avec bien enten­du des essais en amont qui per­me­t­tent de se ras­sur­er pour que l’an­i­ma­teur ou le for­ma­teur ait la meilleure pos­ture et qu’il soit le plus à l’aise pour organ­is­er sa classe virtuelle.

[Yann] Mer­ci beau­coup Dominique, c’é­tait pas­sio­n­ant ! A bien­tôt pour de nou­veaux retours d’expérience.

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